Les Criaerd


Antoine CRIAERD

Ébéniste de 1720 à 1750


D'origine flamande, frère aîné de l’Ébéniste bien connu Mathieu Criaerd, il exerce la même profession au faubourg Saint-Antoine durant la période 1720 - 1750.

Les quelques œuvres qui portent son estampille se rattachent au style de la Régence ou du début du règne de Louis XV.

Il s'agit de commodes en tombeau habillées de placages sombres ou de marqueteries à motifs géométriques très discrets, de commodes galbées et de secrétaires en bois de violette.



Mathieu CRIAERD
1689 - 1er février 1776

Reçu Maître le 29 juillet 1738


Établi rue Traversière-Saint- Antoine, le frère cadet d'Antoine Criaerd reste, sans nul doute, le membre le plus brillant et le plus prolifique de cette famille d'ébénistes. Il est probable qu'il a travaillé pour Jean-François Oeben puis-qu’au décès de ce dernier, en 1763, il figurait parmi ses créanciers. Il fournit également le marchand mercier Hébert. Après la mort de sa femme, en 1767, il mettra fin à son activité et cédera son atelier à son second fils, Sébastien Mathieu, qui se limitera au commerce.

Des meubles Louis XV de très grande qualité, de fabrication très soignée, de formes élégantes, sont sortis de l'atelier de la rue Traversière. Parmi eux, de très nombreuses commodes qui, à elles seules, offrent un panorama presque complet de l'évolution du style et des différentes modes de décoration du mobilier durant la première moitié du XVIIIème siècle.
Les premières commodes de Mathieu Criaerd, droites ou cambrées "en tombeau" se rattachent aux modèles Régence. Plaquées tantôt de bois sombres (palissandre, amarante), tantôt de satiné, elles sont ornées de s bronzes classiques utilisés au début du siècle.

Les modèles Louis XV les plus simples présentent deux tiroirs avec, puis sans traverse apparente, et sont plaqués de bois de violette ou de bois de rose avec des bronzes également de série. Mais sur certains de ces modèles, des bronzes beaucoup plus ouvragés, d'une rare finesse de ciselure, font leur apparition, particulièrement mis en valeur par le fond de placage uni.

Très remarquables en cette catégorie étaient les qu atre commodes commandées par l'ébéniste attitré du Garde-Meuble, Gilles Joubert, pour le rendez-vous de chasse de la Muette près de Saint Germain-en-Laye. L'une d'elles, portant un numéro d'inventaire qui a permis de l'identifier, a été, par deux fois, présentée en vente, à Paris en 1973, à Londres en 1985. Second volet dans l’œuvre de Criaerd : les commodes ornées sur toutes leurs faces de marqueterie de satiné et d'amarante à motifs de croisillons. Un très riche et très typique décor de bronzes s'y déploie, fait de minces rinceaux , de feuillages, de guirlandes, dessinant au centre un large cartouche aux formes contournées des plus harmonieuses. Abondante mais jamais chargée, cette garniture de bronze est toujours admirablement ciselée. Il existe plusieurs commodes de ce type, presque identiques. L'une d'elles se trouve à Versailles dans le cabinet du Dauphin, fils de Louis XV. Une autre faisait partie de l'ancienne collect ion Jane Demarsy, dispersée à la galerie Charpentier le 17 février 1937 (n° 100) ; une troisième, non signée (L. 166 cm), a été vendue à Paris en 1985 ; deux autres encore sont signalées au château de Regensburg, en Allemagne. Enfin, une commode presque semblable mais pourvue de bronzes plus épais et plus abondants est passée en vente au palais Galliera le 20 juin 1968.


On retrouve sur les commodes ornées de chatoyantes marqueteries florales ces mêmes bronzes qui les mettent habilement en valeur sans en gêner le déploiement. Il en est de même pour les décors de laques de Chine ou de vernis européens dans le goût extrême-oriental dont Mathieu Criaerd fait grand usage. Il en résulte toute une série de commodes, certaines d e petites dimensions, les autres plus larges, mais toutes somptueusement ornées et parées de bronzes, qui constituent l'aspect le plus caractéristique de sa production. Un de ces meubles et non des moindres, une commode en laque polychrome et or, avec l'habituel décor de bronzes rocailles, fait partie de la donation Grog-Carven au musée du Louvre.

Il faut signaler une commande exceptionnelle de meubles décorés en vernis Martin, mais cette fois dans le goût français. Il s'agit d'une commode, d'une table à écrire et d'une encoignure livrées par le marchand Hébert pour la chambre de Mme de Mailly au château de Choisy. "Du 29 janvier 1743. Livré par le Sr Hébert, pour servir dans l'appartement meublé de moire bleu et blanc au château de Choisy (...), une encoignure de même vernis fond blanc peint de fleurs, plantes, oiseaux, ornements bleus (...). Un gradin de même vernis fond blanc à trois tablettes." La table à écrire a disparu ; la commode également, qui se trouvait avant la guerre dans l'hôtel Rothschild de la rue Saint-Florentin à Paris. Seule l'encoignure, sans son gradin, est aujourd'hui connue. Ce meuble exquis, garni de chutes et de sabots en argent ciselé, avait été transporté au château de Fontainebleau lors de la Restauration, puis vendu. On le retrouve chez un grand antiquaire de Tours, puis dans la collection du grand amateur Richard Penard y Fernandez. Il appartient désormais au musée du Louvre. Les quelques autres meubles réalisés par Mathieu Criaerd, principalement des bureaux de pente, des coiffeuses, des petites tables, des bureaux plats, semblent figurer de façon un peu accessoire dans sa production. Ils sont, dans l'ensemble, beaucoup plus simples, ornés de placages unis ou de marqueteries à croisillons, rarement de laque, et pratiquement dépourvus de bronzes.


Antoine Mathieu CRIAERD
vers 1724 - 24 décembre 1787

Reçu Maître le 22 avril 1747


Fils aîné de Mathieu Criaerd, il travaille successivement rue de Charenton, rue de Richelieu, rue Saint-Thomas-du-Louvre et enfin, en 1771, rue du Bac, où il reprend l'atelier de son confrère Charles Chevallier, décédé cette même année. Toutefois, il ne semble pas avoir poursuivi longtemps son activité si l'on en juge par la rareté des meubles Transition et par l'absence de meubles Louis XVI dans son œuvre.
L'estampille orthographiée "Criard", avec ou sans initiale, est habituellement considérée comme sa signature. Cette singularité permet, en principe, de distinguer ses œuvres de celles de son père, bien que des confusions apparaissent parfois dans les attributions et que cette distinction entre les deux estampilles doivent être prise avec une certaine prudence.

Antoine Mathieu aurait reçu des commandes de marchands-merciers et même de la cour, par l'intermédiaire de l'ébéniste Joubert, fournisseur du Garde-Meuble royal. Une de ses tables de nuit, livrée en 1754 par Joubert pour le Dauphin au château de Fontainebleau, est passée en vente à Monte-Carlo en 1978. Une autre table de nuit, exécutée en 1755 pour la marquise de Pompadour, appartient au musée des Arts Décoratifs.

L
'estampille d'Antoine Mathieu "Criard" apparaît sur des meubles en majorité Louis XV (commodes, secrétaires, diverses tables) revêtus de placage en feuilles à fil contrarié dans des encadrements plus sombres. Quelques-uns sont marquetés de fleurs traitées avec plus ou moins de finesse. Un des meilleurs exemples de cette catégorie, une élégante petite table à pieds galbés dont la partie supérieure amovible sert de table de lit, plateau marqueté de fleurs en bois de bout, se trouve à l'Osterreichisches Museum de Vienne. Enfin, comme son père, Antoine Mathieu a utilisé les laques de Chine et les vernis qui les imitent, principalement sur des commodes. A noter que sur certaines de ses commodes figurent des bronzes absolument identiques à eux des commodes estampillées par Mathieu Criaerd.


Bibliographie

"Le Mobilier Français du XVIIIème Siècle"

Pierre Kjellberg
Les Editions de l'Amateur - 2002